Retraite à points, travailler plus pour gagner moins

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Faisons le point sur la réforme des retraites par points. Cet projet représente une nouvelle attaque de notre modèle social (après les réformes du droit du travail et de l’assurance chômage, alors que notre système de santé est en crise). Toutes et tous en grève et dans la rue jeudi 9 janvier!

Après plusieurs annonces, beaucoup d’imprécisions et d’intox du gouvernement, il nous paraît indispensable de résumer les points essentiels connus à ce jour.

Pourquoi les pensions vont baisser et pourquoi il faudra travailler plus longtemps

Figer le montant alloué aux retraites à 14 % du PIB fera mécaniquement baisser le niveau des retraites. En effet, le nombre de retraités va augmenter alors que la part des richesses allouées restera constante. En bonne logique toutes les mesures décrites ont pour conséquences un allongement du temps de travail et une baisse des pensions. De plus cela revient à figer dans le marbre un partage inéquitable des richesses produites.

Le montant de la retraite pourra diminuer dans le temps !

La valeur du point ne sera pas garantie, car si sa valeur d’acquisition est connue, son taux de remplacement au moment du départ ne le sera en aucune façon. Ce taux sera dépendant des facteurs économiques du moment, et d’autres éléments sur lesquels nous n’avons aucune prise. Les exemples suédois et allemand montrent que les salarié•e•s aux carrières morcelées ont perdu beaucoup.

Il faudra travailler plus longtemps

On pourrait prendre sa retraite à 62 ans mais en perdant 10 % (5 % par an jusqu’à « l’âge d’équilibre »). En conséquence pour la plupart d’entre nous ce sera au minimum 64 ans.

Un système défavorable à celles et ceux qui ont connu des parcours accidentés

Pour toutes celles et ceux qui ont des carrières morcelées, des accidents de parcours… il faudra soit se contenter d’une petite retraite, soit travailler plus longtemps.

Faible prise en compte de la pénibilité et des conditions de travail difficiles

Il est déjà difficile pour certaines personnes d’arriver à l’âge de la retraite (45 % des personnes ne sont plus en emploi quand elles prennent la retraite). Avec cet allongement, beaucoup n’arriveront pas à l’âge requis et donc verront le montant de leur pension baisser.

Rappelons que les mécanismes (C2P) mis en place aujourd’hui pour tenir compte de la pénibilité sont beaucoup trop complexes et inopérants ! Le seul dispositif fonctionnel était celui des carrières longues qui serait conservé.

Baisse mécanique des pensions de retraite

  • Un minimum de 1 000 € pour les carrières complètes en 2022, c’est-à-dire pour celles ou ceux qui ont validé 43 ans d’activité. Beaucoup de personnes ne remplissent pas cette condition à cause des périodes de chômage, inactivités… et auront une retraite bien plus basse. Seul point positif, pour les temps partiels si on a les 43 ans, cette mesure fonctionne.
  • Le nouveau système permet d’acquérir des points pour chaque heure travaillée, mais si on travaille peu et mal payé (emploi étudiant par exemple) on n’aura pas beaucoup de points donc une petite retraite. Alors que l’ancien système permettait de valider un trimestre si on avait travaillé la moitié du temps, et la retraite était calculée sur les 25 meilleures années, ce qui permettait d’avoir une retraite à taux plein même avec plus de 10 années morcelées. Pour les mêmes raisons, les progressions de carrières seront gommées (prise en compte de 43 années au lieu des 25 meilleures).

Les Femmes seraient les grandes gagnantes dit le gouvernement, mais on ne comprend pas pourquoi !

Aujourd’hui les retraites des femmes sont inférieures de 42 % à celles des hommes. Elles restent de 29 % plus basses, même avec la prise en compte des mécanismes de réversion. Plusieurs causes à cela : elles sont moins payées que les hommes (27 % de moins que les hommes), elles ont des emplois plus précaires, elles ont des carrières plus morcelées. En 2012, elles avaient 8 trimestres de moins que les hommes. Rien dans cette réforme n’améliore la situation sauf à travailler plusieurs années de plus.

Les mesures annoncées ne concernent que les mères, toutes les femmes ne sont pas concernées.

La compensation de 5 % accordée pour chaque enfant pourra être ventilée entre la femme et son compagnon. Étant donné que les hommes ont des salaires plus élevés que les femmes, le plus souvent ce sera l’homme qui en profitera. Que se passera-t-il en cas de décès, de séparation ?

On l’a vu la réversion vient corriger de plus de 10 points l’inégalité de pensions entre les femmes et les hommes. La reforme vient plafonner la pension à 70 % des revenus, repousse l’âge à laquelle on y a droit de 7 ans, et la supprime pour les personnes divorcées !

La capitalisation devient discrètement indispensable : une nouvelle cotisation et une nouvelle inégalité

La loi PACTE du 18/06/2018 avait préparé le terrain en facilitant les dispositifs d’épargne salariale. Face à la baisse planifiée des retraites par répartition, ceux qui en auront les moyens se tourneront vers des dispositifs individuels par capitalisation. Cela introduit une nouvelle forme d’inégalité entre les salarié•e•s. Bien sûr les conflits d’intérêts qui ont amené M. Delevoye à démissionner et la légion d’honneur attribuée au directeur français du fonds d’investissement Black Rock ne sont que pures coïncidences.

La clause du « grand-père » est inadmissible

Elle revient à faire payer les retraites par les plus jeunes alors qu’ils n’auraient pas droit aux mêmes conditions ! Elle sape la solidarité entre les générations.

Une vision dévoyée du dialogue social et du débat public

Le gouvernement a présenté son projet et soi-disant ouvert un débat, mais il s’est rapidement avéré que rien n’était discutable, modifiable.

Des simulations discutables

Face aux critiques, il fallait montrer un côté positif. Les «simulations » dans le rapport Delevoye démontreraient dans la plupart des cas que le nouveau système serait plus favorable. Mais, outre le fait que toutes les situations sont loin d’être couvertes, la manière de construire ces cas types est problématique. En effet, la référence prise n’est pas le système de retraite tel qu’il est aujourd’hui, mais un système du même type, dont on aurait continué à durcir les conditions d’accès à la retraite au-delà de ce qui est prévu actuellement (43 ans de cotisation en 2035).

Simulation à paramètres constants, source: https://reformedesretraites.fr/dossier/

Une autre réforme des retraites est possible

Le système actuel a démontré sa robustesse. Les déficits récents ou futurs sont d’abord dus aux baisses des ressources allouées (décisions gouvernementales d’alléger les cotisations des entreprises et de privilégier la baisse du coût du travail) et non pas à l’augmentation du nombre de retraités. Le système actuel par répartition a certes des défauts qu’il faut corriger, mais il a permis de réduire la pauvreté chez les personnes âgées, ce qui n’est pas le cas dans les pays où dominent les systèmes par points et par capitalisation. Réformer ce système nécessite une négociation loyale et donc du temps.

C’est un réel choix de société qui se profile derrière le système de retraites. Veut-on un système solidaire ou individuel ? Quelle répartition de la richesse produite grâce à notre travail ? Jusqu’à quel âge doit-on/peut-on travailler ? Comment traiter les différences d’espérance de vie en bonne santé (plus de 7 ans d’écart suivant la catégorie socioprofessionnelle), les écarts de situation entre les femmes et les hommes ?

Cette réforme est bâtie sur de mauvaises bases, elle ne peut que conduire à une aggravation des inégalités, à une baisse des pensions et pour beaucoup d’entre nous à un allongement du temps de travail.

La journée du 9 janvier sera un point d’étape essentiel, c’est aujourd’hui qu’il faut manifester notre opposition, après il sera trop tard !

TOULOUSE: RASSEMBLEMENT 9H15 MÉTRO BASSO CAMBO, MANIFESTATION À 10H00 PLACE ST CYPRIEN

ST GAUDENS: MANIFESTATION À 14H00 PLACE JEAN JAURES

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